Bienvenue dans le journal de bord d'une Française au Royaume-Uni depuis 15 ans. Votre dose de conseils, infos, humour et récomfort - chaque samedi.
Je reçois régulièrement des demandes de thèmes à aborder dans cette newsletter. Un grand merci pour vos suggestions d’ailleurs et que je note toutes. Une des demandes qui revient, est d’expliquer pourquoi, et comment, je suis arrivée au Royaume-Uni. Alors aujourd’hui, je me lance !
Il y a 15 ans, à la gare de Nancy. Le jour où je suis partie vivre en Angleterre. Un aller, sans retour.
Au programme
Wannabe
Le plus beau métier du monde ?
L’Amérique, l’Amérique
Les petits mouchoirs
London Calling
Wannabe
Dans mon premier article, je vous racontais mon arrivée à Londres, en 2009. Mais avant ça, il s’est passé quoi pour que je décide de poser mes valises de l’autre côté de la Manche ?
J’ai aimé l’anglais dès que j’ai commencé à l’apprendre en sixième. Je ne saurais pas expliquer pourquoi c’est instantanément devenu ma matière préférée. Je n’avais clairement pas conscience de l’avantage que ça deviendrait en termes d’ouverture sur le monde, de facilité à voyager, ou d’opportunités professionnelles. Il y avait juste une joie viscérale à entendre cet accent, découvrir chaque mot, et se dire que quelqu’un à l’autre bout du monde les utilisait pour s'exprimer au quotidien. Et ça, même si à ce niveau ça se résumait à répéter : “Brian is in the kitchen”.
J’ai eu la chance qu’on ait rapidement internet à la maison durant mes années collège. Même si la connexion était limitée et lente, le son inoubliable du modem 56K a indéniablement changé mon apprentissage. Comme tout le monde, j’ai appris mes listes de verbes irréguliers en cours, mais mon vocabulaire s’est étoffé en passant des heures à traduire les paroles en ligne des Spice Girls, Robbie Williams ou encore The Corrs.
Au lycée, s’ajoutent à ça Avril Lavigne, Britney Spears ou encore Linkin Park. Le téléchargement se simplifie, et grâce à ça, je peux récupérer mes séries favorites en version originale. D’abord avec les sous-titres français - en essayant de voir quels mots anglais j’arrive à capter au vol - puis au fur et à mesure, en VO non sous-titrée.
Je suis d’ailleurs récemment tombée sur un épisode de Dawson’s Creek (#TeamPacey), et me suis offerte alors un petit moment de nostalgie. Ça m’a fait réaliser que l’avènement d’internet a été un contributeur incroyable à ma progression et passion pour l’anglais. Cependant, ce ne serait pas honnête de réduire mon apprentissage entièrement à ça.
Le plus beau métier du monde ?
On dit souvent qu’enseignant est un métier-passion. Ça ne semblait pas être le cas de tous ceux qui m’ont fait cours, mais je dois avouer que plusieurs ont laissé une trace indélébile.
Je vais vous parler de la plus marquante : ma prof d’anglais de terminale. Avec son CAPES fraîchement en poche, elle sortait du lot avec un dynamisme auquel on n’était pas habitués. Pour moi, c'était plus facile de m'identifier à quelqu'un de proche en âge. Pour elle, c’était sûrement plus motivant de donner cours à quelqu’un qui aime sa matière.
J'avais pris option anglais au Bac, donc c'était un coefficient qui allait peser lourd, et je sentais son investissement dans ma réussite. J'adorais ses cours. Bien plus interactifs que ce que j'avais connu jusque là : avec des vrais débats de groupe à l’oral, et des études de textes modernes, dont des chansons de U2.
Il faut ajouter à ça un détail qui a son importance. Cette dernière année de lycée, je me suis retrouvée dans la même classe qu’une autre fana d’anglais. Elle aussi adorait prendre la parole en s’appliquant à prendre un accent, et grâce à ça, je n’étais plus la seule brebis galeuse ! Ça a énormément libéré mon anglais à l’oral.
La professeure d’anglais en question ne s'en est sûrement pas rendue compte, mais elle a marqué le jour de mes résultats au Bac. Quand elle m’a rattrapée sur le parking du lycée pour me féliciter, et me dire que la suite allait bien se passer. C’est ce que j’avais besoin d’entendre à cette minute précise, car un quart d’heure plus tôt, mon professeur principal m’avait sermonnée sur mes maigres chances de réussir en prépa. Il avait tort. Elle avait raison.
C’est affligeant qu’il ait osé dire ça quand on y pense. On est tellement influençable à 18 ans - du moins je l’étais - et ses paroles m’avaient mis un coup. Je n’avais pas la maturité de croire en mes capacités, et de me dire que son opinion importait peu. J’en étais encore à croire que les “adultes” savaient mieux que nous.
L’Amérique, l’Amérique
Fast forward à la fin de mes deux années de classes préparatoires. Se pose alors la question de quelle école de commerce choisir. De multiples raisons pèsent à ce moment dans la balance : mon amoureux, mon neveu prêt à naître, et surtout, le choix des universités étrangères partenaires. Depuis maintenant plusieurs années - et encore plus après la sortie de “L’Auberge Espagnole” - je n’ai qu’une chose en tête : partir en semestre d’étude dans un pays anglophone. Et plus particulièrement, j’ai les yeux rivés sur les États-Unis.
Je suis originaire de Lorraine, et, y ayant fait ma prépa, je me projetais pour la suite vers d’autres horizons. En l’occurrence à Grenoble ou Lille. Mais pour toutes les raisons mentionnées, je choisis de rester à Nancy et de rejoindre le “English track” de l’ICN, où la moitié des cours a lieu en anglais. Je donne mon maximum pour décrocher les notes qui me permettront de choisir où étudier, car les États-Unis sont aussi la destination de prédilection de beaucoup de mes camarades.
Après avoir obtenu mon deuxième choix, je pars en 2008 aux USA. Plus précisement dans le Rhode Island, à la Roger Williams University. Je suis dans un état d’excitation sans nom. Pendant ces quelques mois, je vis un rêve éveillé. C’est vraiment comme dans les séries TV.
Je rencontre des étudiants venant des quatre coins du globe, et pour la première fois de ma vie, je me sens véritablement citoyenne du monde. Je me fais aussi des amis américains par le biais de ma famille d’accueil (qui viennent d’avoir des jumeaux !), et ma roommate originaire de Boston. Ils m’aident à en découvrir davantage sur ce pays dont je ne connaissais que les clichés au final.
En étant en immersion complète, j’observe une progression rapide de mon anglais. C’est d’ailleurs la période où je me souviens avoir eu mes premiers rêves dans ma deuxième langue. Tout ça, sans avoir à payer la facture salée des universités américaines. C’est notre chance en vivant en France. Pouvoir bénéficier de partenariats avec des campus qui coûtent bien plus chers que leurs équivalents chez nous.
J’ai d’ailleurs été mise en contact avec l’Américaine qui avait pris ma place à Nancy. Au final, elle n’a pas perdu au change. Elle est tombée amoureuse d’un Français pendant notre échange, et aujourd’hui, ils sont mariés avec deux enfants à Chicago.
Pendant ces quelques mois, chaque jour, je me dis que je suis en train de vivre ma meilleure vie. Un chapitre magique, dû au fait que je n’ai pas de grosses responsabilités en tant qu’étudiante. C’est d’ailleurs ça qui va me laisser sur ma faim. Au retour, j’ai envie de me confronter à la “vraie” vie - en dehors de la bulle surprotégée d’un campus scolaire - et pousser l’expérience de vivre à l’étranger plus loin. Mais avant ça, je dois finir mon Master.
Les petits mouchoirs
Le temps a la fâcheuse habitude de vous retourner le cerveau. Six mois plus tard, alors qu’il me reste quelques semaines de cours, la pression se fait sentir sur le besoin de décider de la suite, et je suis perdue.
Mon semestre aux États-Unis trotte toujours dans ma tête, mais je me suis résignée au fait qu’il va falloir faire des choix “raisonnables”. J’ai fait plusieurs missions pour des marques de grande consommation (surgelés Marie, Candia, L’Oréal), et il y a pas mal d’opportunités dans le secteur. Je me destine alors à devenir commerciale pour débuter ma carrière. C’est le métier tremplin qu’ont fait toutes les personnes pour qui j’ai travaillé dans les QG de mes stages.
Je ressasse mes arguments pour me convaincre que c’est le bon choix. Je suis avec mon copain de l’époque depuis 6 ans, et il vient de trouver son premier job dans le coin. On vit une relation à distance depuis nos débuts, alors je ne vais pas partir maintenant qu’on peut enfin être ensemble. Et puis, mes parents m’ont payé ce diplôme, je ne peux pas tout lâcher pour un job moins bien payé à l’étranger. J’ai adoré mon échange aux US, mais travailler en anglais, c’est autre chose. Je ne suis pas certaine d’en être capable, alors pourquoi me compliquer la vie ? Commerciale, c’est une très bonne option. La route est toute tracée. J’ai de la chance en fait.
Pourtant, plus mes camarades parlent de leur futur, plus mon ventre se tord quand je déroule “mon plan” avec un sourire feignant l’optimisme. Ce qui va provoquer un virage à 180 degrés, c’est la rencontre d’une autre professeure. Pas d’anglais cette fois. Simplement une membre du corps enseignant, que je n’avais jamais rencontrée avant une conversation qui va changer le cours des choses.
Quelques semaines avant la fin des cours, on part en séminaire avec toute la promotion. Un mélange de fête d’au revoir, conférences diverses et ateliers individuels. Pour l’un de ces ateliers, on doit faire une présentation sur un thème de notre choix. Un sujet qui a marqué notre parcours. J’vous l’donne en mille, je choisis mon semestre aux US. Je monte une vidéo avec pour bande sonore “Breakaway” de Kelly Clarkson (*cringe*).
Le jour J, je me retrouve dans une petite salle avec cette inconnue, qui est là pour parler de ma présentation, et de mon futur. Par une série de questions ouvertes, elle m’a poussé à (enfin) m’interroger à haute voix sur le décalage qu’il y avait entre ce que je disais vouloir faire, et, ce dont j’avais envie au fond. Elle était d’une telle bienveillance que tout s’est deversé. J’ai fini en pleurs. Le fait qu’elle ait sorti une boîte de mouchoir XXL me laisse à penser que je ne suis pas la seule à m’être remise en question ce jour-là. Maintenant que j’en ai fait l’expérience, je réalise que ce qui s’est passé pendant cette heure était l’équivalent d’une séance de thérapie.
Au retour de ces quelques jours, je ne peux pas ignorer ce qui s’est passé. Et surtout, comment je me suis sentie, quand elle m’a demandé de me projeter dans un futur où j’aurais le courage de partir à l’étranger. Quand j’expose la situation à mes proches, la nouvelle est plutôt bien accueillie. En fait, ça n’est pas une grosse surprise pour eux. J’étais la seule dans le déni.
Il faut passer à l’étape la plus difficile : trouver un job dans un pays anglophone.
London Calling
Je suis maintenant en stage de fin d’année, à Paris. Je postule dès qu’un nouveau VIE (Volontariat International en Entreprise) est publié pour une expérience aux États-Unis. Mon but ultime, ce serait d’aller à New York. Plusieurs postes dans l’agroalimentaire - domaine dans lequel j’ai fait mes stages - sont publiés. Alors j’ai envie d’y croire. Mais la concurrence est rude, et je n’obtiens même pas d’entretiens. Après plusieurs mois sans résultat, il faut se rendre à l’évidence : je ne peux pas tout miser sur mon scénario idéal.
À ce moment-là, une amie alors en stage au Canada, me dit que la boîte où elle travaille souhaite l’embaucher. Mais, elle, souhaite rentrer en France. Je saute sur l’occasion pour contacter son boss, et après des entretiens à distance, j’obtiens le poste. Ça y est, c’est écrit noir sur blanc, je pars pour Ottawa. L’avantage, c’est que j’ai eu l’occasion d’y aller quand j’ai rendu visite à un ami à Montréal pendant mon séjour aux US. Je sais donc à quoi m’attendre. Ça a beau être la capitale du Canada, je dois avouer que je n’avais pas eu un coup de cœur pour la ville, mais, il y a plein de choses à y découvrir encore. Et surtout, mon job comprendra beaucoup de déplacements aux États-Unis.
En quelques semaines, tous les détails sont réglés : billets d’avion, permis de travail, colocation. Je suis au taquet. Et puis, à trois semaines du départ, je reçois un email expliquant qu’ils sont au regret de devoir annuler mon contrat. La récession (de 2009) les a beaucoup impactés ces derniers mois.
Bizarrement, je me souviens ne pas avoir été dévastée en lisant ça. Je revois clairement la scène. Le coin exact du canapé où j’étais assise en lisant ces lignes. Mon copain, qui découvre ma tête déconfite, et me demande ce qui se passe. J’ai la larme facile. Et la frustration en particulier a le don de me faire chavirer d’ordinaire. Mais là…rien. Je ne me l’explique toujours pas.
À ce moment là, on avait prévu une semaine de vacances chez les parents de mon copain, à Grenoble. On y croise une de ses amies, qui vient de finir elle aussi une école de commerce. Elle propose gentillement de m’aider, en me donnant accès aux offres d’emploi postées par leurs anciens élèves. C’est là, que je vais trouver et obtenir le poste pour lequel j’ai déménagé à Londres. Comme quoi, ça ne tient pas à grand-chose parfois. Une conversation avec la bonne personne, au bon moment. Dingue.
Un mois et demi plus tard, je débarque en Angleterre. À l’époque, j’étais loin de m’imaginer que j’y ferais ma vie. J’étais partie pour un an à la base. To get it out of my system. Mais le fait est que, j’y ai trouvé un équilibre qui me correspond. Et ça, même si l’expatriation vient avec son lot de difficultés. Quinze ans plus tard, je sais maintenant que partir vivre à l’étranger était, pour moi, l’une des meilleures décisions de ma vie.
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Le mot de la fin
Un concours de circonstances m’a amené ici, et j’en suis bien contente. J’y ai construit une vie que j’adore, j’ai pu y réaliser mon rêve de parler couramment anglais, et je reste plus proche de la France en étant sur le même continent. Cette semaine en particulier, suite aux résultats des élections américaines, je suis ravie de ne pas vivre aux États-Unis. Mais il faut bien admettre qu’on a eu notre lot de sociopathes au pouvoir ici ces dernières années également, et que malheureusement, l’influence de Trump va s’étendre au-delà des frontières de son pays.
J’ai conscience que mon installation au Royaume-Uni a été facilitée par la libre circulation des personnes, en place avant le Brexit. Si vous lisez ces lignes et que vous rêvez de venir vous installer ici, sachez que c’est toujours possible. C’est juste un peu plus compliqué que dans le passé. J’espère que ce récit pourra vous inspirer, même si les démarches actuelles sont différentes.
Je ne crois pas au destin. Mais, je crois qu’il y a du vrai quand on dit “qu’au moment où une porte se ferme, une autre s’ouvre ailleurs.” Quand une envie est profonde, on finit par adapter son projet et trouver des alternatives. Parce qu’en fait, il n’a pas besoin de coller à notre idéal pour qu’on y trouve ce qu’on cherchait.
J’aimerais profiter de cet article pour faire passer un message à tous ceux qui sont en position de conseiller de jeunes adultes. Que ce soit un élève, la sœur d’un ami, une nièce. Mon expérience personnelle me pousse à dire qu’il ne faut pas sous-estimer le poids que peuvent avoir nos mots. Ce passage à l’âge adulte est si déroutant que - même s’il ne faut pas nier la réalité des choses - on se doit d’encourager chacun à poursuivre ses envies. Cette phrase va clairement se retourner contre moi quand ma fille sera en âge de faire ses propres choix. Mais je suis en bien mauvaise posture pour la convaincre de rester éternellement près de nous. Advienne que pourra.
Et vous ? Pourquoi êtes-vous partis à l’étranger ? Une passion pour les langues ? Une opportunité professionnelle ? Peut-être avez-vous suivi votre conjoint ? Racontez-nous ça en commentaire.
A la semaine prochaine,
Mélanie
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C'est drôle, en lisant les commentaires je me dis: moi aussi!
Moi aussi j'ai eu la larme a l'oeil en lisant tout ça. Et moi aussi j'ai un bébé de 6 mois bientôt et une autre de 2,5 ans. Mon ami est anglais.
Je vis pas loin de Stratford upon Avon, ville de Shakespeare.
J'ai la chance de travailler pour une entreprise qui est implantée dans beaucoup de pays à travers le monde. J'ai voulu travailler en expatrié pour cette entreprise au Mexique, c'est tombé à l'eau à cause de la différence de salaire. Et quelques mois plus tard j'ai eu l'opportunité de venir travailler à Solihull. Pour 3 ans initialement, puis 5. Et j'ai ensuite pris un contrat local. Ça fait 7 ans maintenant. Et j'adore la vie ici. Les mentalités au travail sont différentes. Je travaillais a paris avant et si qqun décidait de partir a 17h, il avait le droit a des regards en coin ou des : oh tu as pris ton après midi.
Ici, à 17h pétante, tout le monde part et s'en va profiter de sa petite famille ou juste petite vie. Les anglais ont tout compris, le travail n'est pas la vie. Et je suis bien plus heureuse comme ça.
Nous partons d'ailleurs à Bristol dimanche, après la Remembrance parade.
Merci en tout cas pour ces newsletter, j'adore ta façon de raconter et le contenu ❤️
Bonjour Mélanie, ton temoignage a été une bouffée de chaleur à lire. J'ai eu l'impression de lire un peu mon histoire jusqu'au BAC mais (au moins) 15 ans avant toi. Mon histoire est différente par la suite, je voulais être prof d'anglais et malgré deux années universitaires à étudier l'anglais, ma vie personnelle a pris un autre tournant (amoureux) qui m'a obligée à renoncer à mon projet.
J'ai aujourd'hui 51 ans et toujours cette frustration de ne pas avoir pu aller au bout de ce que je voulais faire, partir vivre en Angleterre ! Aujourd'hui je rêve de pouvoir faire decouvrir ce pays à mon fils de 23 ans qui connait ma passion pour la langue anglaise (que moi non plus je n'arrive pas à expliquer).
Merci encore de m'avoir permis de réver un peu